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Giordano Bruno

Le 17 février de l’an 1600 mourrait à Rome après sept ans de torture et de prison Giordano Bruno, un homme qui avait anticipé les temps. Moine dominicain, professeur universitaire, même à la Sorbonne, rien n’est resté de ses écrits. On sait de lui et de ses pensées à travers le récit des actes de son procès. Tous ses livres furent brûlés. Et bien ce 17 février de l’an 2020, il m’est arrivé quelque chose d’extraordinaire. Peu avant la pandémie, grâce à un monsieur, un fan du personnage qui était venu à Rome expressément pour lui, j’ai passé la journée avec « Giordano Bruno ». J’ai pris quelques photos et je vais vous les raconter. 

Giordano Bruno

Le matin

Dès dix heures du matin, nous étions sur la place Campo dei Fiori. C’est la place où on brûlait les hérétiques. Comme tous les matins il y avait le marché, du monde et du bruit. Et bien, au pied de la statue de Giordano Bruno, un professeur de lycée lisait à sa classe un livre qui recueillait les pensées du philosophe. Ils sont restés là bien près de deux heures et les gamins ont écouté sans broncher la voix du professeur. Entre temps un passant posait une rose ou un autre s’arrêtait un instant en recueillement,  tous connaissaient Giordano Bruno. Évidemment nous n’avons pas passé toute la journée sur la place, on a fait des allers retours.  

Giornano Bruno fleurs

Tard matinée

Le premier à Tor di None, l’ancienne prison où il fut détenu et qui n’existe plus. Puis on est passé par via del Governo Vecchio, un des chemins empruntés par le cortège qui menait le condamné à sa mort. Il faut savoir que la distance entre l’ancienne prison et piazza Campo dei Fiori ne dépasse pas les trois cents mètres à vol d’oiseau. Et bien ce 17 février de l’an 1600 le cortège avait employé des heures pour arriver sur le lieu du martyre. Giordano fut exhibé dans les rues de Rome. On lui avait cloué la langue et mis un masque en fer pour l’empêcher de parler. C’était un très bon orateur. Revenu sur la place, nous voyons dans la petite foule, un couple assez âgées, à l’aspect très bourgeois. Des gens que l’on ne s’attend pas du tout de voir aux pieds d’un hérétique. Ils avaient posé une rose rouge et collé une photo, un collage que la dame avait fait. Sur cette photo on voyait le pape François à genoux devant Giordano. La photo a été arrachée dans l’après-midi. Ils nous ont dit qu’ils venaient là chaque année rendre hommage à leur héros. 

Le repas

Vers 14 heures nous avons pris notre déjeuner dans un restaurant bâti sur le théâtre antique de Pompée. Pas n’importe où, à quelques mètres sous terre c’est consommé un des assassinats les plus célèbres de tous les temps, celui de Jules César. A table  notre conversation est passée de Giordano à Ettore Majorana encore un personnage. Physicien et mathématicien sicilien, un génie du groupe « ragazzi di via Panisperna » guidé par Enrico Fermi, disparu dans le néant. L’après-midi s’écoule dans l’attente de la cérémonie officielle. On va au château saint Ange d’abord tombeau de l’Empereur Hadrien, puis forteresse et ensuite lieu de détention de patriotes et d’hérétiques. On continue entre un monument et un autre à faire des allers retours sur la place Campo dei Fiori. Le nombre de roses posées  aux pieds de la statue ne fait qu’augmenter.

cérémonie Giordano

La  cérémonie

Vers 17 heures, au retour d’une de nos courtes visites, grande est ma surprise de voir la place, qui entre temps s’était vidée du marché du matin et remplie de centaines de personnes en attente de la cérémonie. Et  voilà qu’arrive la fanfare municipale qui ouvre la marche au cortège des personnalités. Le maire de la ville de Nola, la ville où est né Giordano, un bled perdu dans la région de Naples. Comme quoi peu importe où l’on naît si on a quelque chose à dire on finit par la dire. Il y avait aussi la représentante du maire de Rome, la présidente du « groupe libre penseur » et bien d’autres.   

fanfare Giordano Bruno

Les discours

Je m’attendais à des discours pompeux pleins de mots inutiles, gonflés de n’importe quoi. Et bien non. Certains orateurs nous ont parlé de Giordano les larmes aux yeux. Tous s’étaient parfaitement documentés sur le personnage. On sentait derrière chaque mot l’émotion, la passion et l’orgueil. Pendant la cérémonie un petit groupe d’ultra catholique a essayé de perturber la manifestation. La réaction des participants a été tellement nette et ferme qu’ils ont dû fuir. On aurait pu penser à un public fait de rêveurs et d’anarchistes et là encore énorme a été ma surprise de constater que les gens présents étaient de simples citoyens qui venaient rendre hommage à un homme qui était mort pour ses idées et pour la liberté de pensée. 

Et pourtant

Tout est parti d’un groupe formé de 25 étudiants, qui en 1876, lancèrent une pétition et une collecte de fonds pour ériger une statue de Giordano Bruno sur la place Campo dei Fiori à l’endroit même où il avait été brûle. Ils lancèrent cette pétition et cette collecte dans toutes les universités d’Europe et des Etats unis. Ces jeunes appartenaient à la noblesse laïque romaine. Grâce à cette lettre écrite dans toutes les langues et même en latin, en peu de temps ils eurent la somme nécessaire. Malgré l’hostilité de l’église, pour qui Giordano est encore un hérétique, le comité obtint toutes les autorisations nécessaires.

visage de Giordano

La Statue

Elle fut réalisée par Ettore Ferrari sculpteur, professeur à l’Académie des Beaux Arts, député au parlement italien pendant trois législatures, républicain et franc maçon. Elle fut inaugurée le 9 juin 1889 en présence de trente milles libres penseurs alors que le pape Léon XIII était en prière au pied de la statue de saint Pierre dans la grande basilique. Le visage, hypothétique, de Giordano Bruno est tourné vers le Vatican, l’endroit où fut décidé son horrible mort. Il a été brûlé vivant. De ses écrits il ne reste rien, ils furent imprimés en Hollande, un pays où on croyait à la liberté de pensée. Merci monsieur Laurent pour cette belle journée.   

17 février 2021 

Après un an de pandémie, je m’attendais à rien. Ça fait un an qu’on ne fête plus rien. Et bien je me trompais. Le 17 février 2021 il y a eu une cérémonie. les gens ont posé des fleurs aux pieds de la statue. Je vous rappelle que cet homme, Giordano Bruno, est l’homme qui a défié le pouvoir avec ses idées. Il a repoussé les limites de la connaissance. C’était un innovateur et théoricien des mondes infinis. Il a dit. « Le jour viendra où l’homme se réveillera de l’oubli et comprendra enfin qui il est vraiment. Il comprendra qu’il a laissé les rênes de son existence, à un esprit trompeur et menteur,. Un esprit qui a fait de lui un esclave … et quand un jour il s’en rendra compte, il sera enfin libre même ici dans ce monde. »

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